Il était une fois un tout jeune laurier rose qui, par un beau matin printanier, sortit de terre au coeur d’une roseraie. A peine avait-il montré le bout de son nez que toutes les roses accoururent pour accueillir ce nouveau compagnon.

” Oh, dit l’une, regardez, il n’a pas les mêmes feuilles que nous ! “

Et une autre d’ajouter: ” Il n’a pas d’épines non plus, mais comment va-t-il faire pour se défendre? “

” Comme c’est étonnant, ajouta une troisième, pourtant, il se nourrit de la même terre et la même eau que nous !”

C’est alors que le petit laurier rose, tout sourire, leur répondit : ” Réjouissez-vous, mes chères soeurs, car là où je pousse, la lumière et la chaleur du soleil règnent à jamais “. Et les roses fières et heureuses d’accueillir parmi elles un hôte si mystérieux s’inclinèrent en un seul choeur devant ce fidèle ami du grand astre solaire.

Tel était le faire-part de naissance de notre fils.

Ce beau matin printanier est, dans une autre réalité, à savoir celle de ma vie, un des matins les plus douloureux. Car s’il est vrai que notre laurier rose suscita autour de lui bien des témoignages d’amour et de reconnaissance, il n’en reste pas moins réel que ce sont les roses qui ornent les grands salons, que ce sont elles qui régalent notre odorat, que ce sont encore elles qui prêtent leurs corolles aux noms des plus grandes stars. Alors, que peut bien valoir mon petit laurier rose si humble à côté de la prestance légendaire de ses compagnes ?

Et toute ma douleur ce matin-là prenait sa source dans ces sentiments de honte, d’injustice, de révolte face à la différence car ce matin-là fut celui où je mis au monde un enfant trisomique souffrant d’une malformation cardiaque importante.